jeudi 8 septembre 2016

Et si on laissait ENFIN le cordon tranquille ?

Le cordon, ce fameux cordon ombilical...



LA question qui est systématiquement posée lorsqu'une femme accouche à la maison : Et comment tu as fait avec le cordon ???

L'angoisse du père (et de la majorité des gens) lorsqu'une femme accouche "trop" vite : "Mais qu'est-ce que je fais avec le cordon ?"
Comme s'il s'agissait d'un truc vital à gérer... Et qui nous amène à frôler des catastrophes telles qu'on peu lire parfois lors d'accouchements express inopinés : des histoires de femmes ayant accouché dans leur voiture et dont les maris ont paniqué. Un père saisissant son opinel dans la panique d'un accouchement dans la voiture et qui se jette sur le cordon pour le couper, prenant le risque sans le savoir de provoquer une hémorragie ombilicale et de refiler une infection à l'enfant. Un autre se précipitant sur le cordon pour le couper avec ses dents...
Et jamais personne ne pense à rappeler dans les articles qui font la une des pages d'accueil internet que NON, il n'y a aucune urgence à clamper et couper un cordon... Entraînant dans l'inconscient collectif l'entretien de cette croyance que laisser un enfant relié par son cordon au placenta est un danger vital. Il y a plein d'autres urgences à gérer à ce moment-là mais celle-ci n'en est surtout pas une, au contraire, le cordon laissé intact peut permettre à un enfant mis à mal lors de l'accouchement de récupérer progressivement sans complications graves ! Et cela même en cas de "cordon autour du cou", l'angoisse majeure de la plupart des parents (qui fut la mienne lors de ma première grossesse avant information). Alors que 20% des enfants naissent avec des circulaires de cordon même serrés et ceux-ci ne nécessitent pas d'être coupés.


Mais comment l'expliquer quand les médecins et les sages-femmes hospitalières eux-mêmes en sont persuadés ?

Je me souviens m'être décomposée le jour où une interne en médecine vient nous faire un cours sur le circulation fœtale et nous explique qu'à la naissance il faut clamper au plus vite le cordon pour que la circulation fœtale se transforme en circulation néo-natale, et que sinon l'enfant risque de se vider de son sang dans le placenta...
Je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir et de réexpliquer les choses patiemment.

Mais comment l'espèce humaine a-t-elle donc survécu avant l'avènement du clamp en plastique? Un vrai miracle !

Le pire a été le jour où j'ai passé mon oral de réanimation néo-natale et que la sage-femme m'a demandé ce que je faisais si je me trouvais devant la situation d'un accouchement inopiné à domicile en attendant le SAMU.
J'explique que je sèche le bébé, j'apporte un chauffage d'appoint si possible, je couvre l'enfant et sa mère et le laisse en peau à peau sur sa mère.
_ Et le cordon !? me dit-elle, qu'allez-vous faire pour la délivrance ?
_ J'attends. Il n'y a pas d'urgence à couper le cordon, je fais la délivrance avec le cordon attaché, ce n'est pas grave.
_ Quoi ??? Non mais n'importe quoi ? Vous allez le laisser attaché à son placenta une demi-heure ? Mais ça va pas ? Vous allez chercher des ciseaux propres, du fil et vous coupez !
Je rétorque que je ne vais pas risquer de lui filer une infection avec des ciseaux de cuisine !
_ Mais, répond-elle, on le prendra en charge, il aura des antibiotiques et du sérum anti-tétanique ensuite à la maternité. Non mais n'importe quoi !
J'ai oublié toutes les inepties qu'elle m'a ensuite sorties sur le fait de ne pas clamper et couper un cordon, en cherchant à me faire passer devant la classe pour la dernière des imbéciles.
Je me mordais la langue. Je bouillais de lui répondre que mon fils était resté accroché à son placenta 6 heures après la délivrance avant qu'on ne fasse quelque chose avec le cordon et qu'il allait très bien ! Et que la nature avait certainement prévu que les femmes accouchent de leur bébé seules et sans paires de ciseaux ni clamp, sinon nous ne serions pas là aujourd'hui...
Bref, je me suis contentée de sourire et de passer pour une idiote.


Donc, je m'exprime aujourd'hui pour raconter comment peut se passer une délivrance normale et naturelle.




   Après la naissance de l'enfant, la mère attrape son bébé contre elle. Quelques minutes (heures parfois...) plus tard elle donnera naissance au placenta. Pendant ce temps, le cordon bat. L'enfant qui s'adapte à son atterrissage est ainsi encore oxygéné par le placenta en plus de sa respiration qui se met en place progressivement, permettant à la circulation fœtale de passer tranquillement à une circulation "terrestre". De plus, cela lui permet de récupérer le sang qui se trouve dans le placenta, progressivement, certains disent que jusqu'à 500g de sang peuvent se trouver dans le placenta au moment de l'accouchement et cela lui permettra d'avoir un bon volume sanguin et peu de risques d'anémie par la suite.

   On parle souvent du clampage "retardé" du cordon en maternité qui consiste à laisser le cordon battre 1 à 5' après la naissance avant de clamper... Mais... pourquoi 5 min maximum, et après ?
L'observation de femmes ayant accouché à domicile montre que le cordon peut battre jusqu'à 30 minutes après la naissance ! (et peut-être plus ?)

   Pour la naissance de mon second, je me souviens avoir été interloquée lorsqu'avant de délivrer mon placenta, en réalisant qu'il était décollé, je me suis rendue compte que le cordon battait encore faiblement. Non plus les forts battements du début mais un petit battement finement perceptible au bout des doigts. Et après délivrance, le placenta, pourtant de taille normal était étonnement léger, vidé, et mon fils particulièrement rose foncé ! Puis peu à peu le cordon a blanchi et les vaisseaux se sont totalement collabés une bonne-demi-heure après la naissance.

Une sage sage-femme me racontait un jour (elle effectuait généralement les naissances de placenta avant clampage) qu'une mère avait attrapé son placenta tout chaud et encore tout pulsant et l'avait spontanément posé sur sa joue pour en sentir la moelleuse pulsation... Un doux rappel de sa vie fœtale, durant laquelle nous nous berçons aux doux battements de notre mère et de notre placenta? D'ailleurs avez-vous remarqué qu'à l'échographie, les fœtus ont souvent la tête contre le placenta, comme contre un oreiller ?...
Comment ? Un placenta décollé qui bat encore plusieurs minutes ??? Les médecins savent-ils que c'est possible? Et pourtant c'est logique, si les vaisseaux de l'enfants ne sont pas encore collabés, tant que son cœur bat, les vaisseaux du placenta battent aussi...


Quel est l'autre intérêt à "laisser ce cordon tranquille" avant la délivrance ? Pour la mère...

   Une autre sage sage-femme m'expliquait que le fait de laisser l'enfant rattaché à son placenta faisait qu'une mère qui oublie tout une fois l'enfant dans ses bras, va réaliser ensuite en le mettant au sein et en bougeant, que... "tiens, tiens ! Il reste quelque chose à sortir !", et qu'elle allait donc spontanément se mobiliser et chercher à agir ou se positionner pour faire naître ce placenta.
Cette sage-femme observait très peu de rétentions placentaire en ayant cette approche.
Alors qu'une femme qui vient d'accoucher et qui a son bébé dans ses bras, si le cordon est coupé, peut avoir l'impression que l'accouchement est terminé, elle est fatigué, peut-être a-t-elle des appréhensions à délivrer son placenta et donc "laisse tomber" cette histoire de placenta (ce n'est pas forcément conscient bien sûr !). D'où certaines rétentions placentaires stables qui peuvent entraîner un transfert du domicile vers l'hôpital après la naissance.

Cela peut permettre à la femme de revivre ce 2ème passage par elle-même. Particulièrement quand l'accouchement a été rapide et que la femme s'est laissé surprendre, elle peut avoir besoin de plus de temps pour accepter que la grossesse et l'accouchement sont terminés. Lui laisser le temps de sentir lorsqu'elle est tout à fait prête à tourner la page et à laisser sortir entièrement son bébé.
Certaines vivent comme une violence le fait de couper le cordon et de leur sortir leur placenta avant qu'elles ne pensent à le faire par elles-même. "Déjà ?" disent-elles... Peut-être que juste quelques minutes de plus leur aurait suffit à faire ce deuil et à passer ce cap au moment opportun pour elles.


On peut se demander si cette obsession à couper le cordon au plus vite n'est pas un miroir de nos modes modernes de maternage qui poussent à séparer au plus tôt l'enfant de sa mère par un sevrage imposé et précoce, la chambre seule et le lit à barreaux, la reprise du travail de la mère a 3 mois post-accouchement, etc...

Et si on prenait le temps ??? Le temps à chacun de se séparer en douceur.
La peur c'est que la mère et l'enfant ne se séparent jamais !
Mais si on observait ce qui se passe quand on laisse faire... peut-être qu'on découvrirait tellement de merveilles et finalement, un enfant qui saurait s'éloigner progressivement et sainement de sa mère.



Et ensuite ?
Une fois bébé et son placenta à l'air libre, que faire ?

On parle de plus en plus souvent des bébés-lotus, ces bébés que l'on laisse reliés à leur placenta jusqu'à ce que le cordon sèche et se détache. Pratique que l'on retrouve dans certaines cultures que je ne détaillerai pas ici mais que vous pouvez retrouver sur ce lien duquel j'ai extrait cette photo :
http://www.hellocoton.fr/le-bebe-lotus-5720878

 Et si on souhaite donc séparer bébé de son placenta pourquoi utiliser systématiquement un objet tranchant qui permet donc théoriquement une entrée de germes plus facile par les vaisseaux?

Une pratique intéressante consiste à brûler le cordon...

On brûle avec une bougie à une vingtaine de centimètres du bébé. Ce qui entraîne une douce chaleur le long du cordon jusqu'au nombril de l'enfant... (tiens, tiens, en médecine chinoise, on chauffe justement un point de longévité juste sous le nombril !)
Attention, c'est long ! Il faut plusieurs minutes pour le brûler et ça sent un peu la viande grillée ;)


Et ensuite ? Quels soins au cordon pour le nouveau-né ?

Mais... rien. Rien ??? Comment est-ce possible de ne rien faire ? Pas possible, la nature aurait-elle tout prévu ?

Un bébé né en maternité aura son clamp de Barr en plastique à 1 cm du nombril, nettoyé à chaque change à la biseptine. La norme, d'après les pédiatres est donc de perdre ce morceau de cordon au bout d'une bonne quinzaine de jours, voire d'un mois.
Quelle ne fut pas ma surprise de voir le cordon de mon fils aîné tomber à 3 jours de vie et le nombril être parfaitement formé à 1 semaine !... Cordon coupé par ma sage-femme à 3-4 cm du nombril, ligaturé par un petit fil et entretenu par une petite poudre à base d'argile blanche, une fois par jour.

Pour mon second, rien de particulier, j'ai fait une petite rasta avec son long morceau de cordon qui est devenu tout sec et d'un beau vert foncé, tombé à 6 jours de vie. Le nombril a continué à saignoter de temps en temps une semaine de plus, j'ai juste mis un peu de poudre d'argile blanche pour la cicatrisation qui s'est faite sans souci.

Les "mamans-natures" utilisent souvent des méthodes type, nettoyage du cordon à la teinture-mère de calendula, poudre d'argile, etc... Pourquoi pas ? ça marche très bien mais comme disait une sage-femme c'est plus parce qu'on n'arrive pas à accepter de rester sans rien faire que par réelle utilité ! ;)

Je me permets de citer une sage-femme qui partageait son expérience et en parlant notamment d'un bébé d'une semaine parfaitement sain, né à domicile qui s'était retrouvé sous antibiotiques car son cordon suintait et sur lequel on avait fait des prélèvements à l'hôpital (inquiet devant cette couleur de cordon) qui retrouvaient de nombreux germes.

"L'odeur est témoin de germes travaillant activement à la cicatrisation du cordon...donc, moins on y touche, plus il y a de germes, mieux c'est ...mais ce n'est pas l'avis bien sûr des recommandations officielles...et c'est valable pour les AAD...et il faut sans doute plus se méfier pour des accouchements ayant bénéficié de tous les germes hospitaliers!
[...]
Nous avons fait notre petite étude en Ardèche sur "nos bébés "nés à domicile en prévenant le laboratoire....
prélèvement à J 3 ou plus, sur cordon qui pue ou suinte.
Presque tous les prélèvements sont revenus positifs avec des germes diverses et des appels parfois inquiets des labos.( y compris staphylo....et autres bestioles ...)
Les enfants étaient parfaits cliniquement bien sûr.....aucune conséquence sur leur état de santé!
[...]
Cet expérience conforte complètement le postulat énoncé....N'ayons pas peur des germes ,ils sont là pour nous, quand ce sont de "bons germes de la maison" "
H.G, sage-femme.

Voilà donc...
N'aillez plus peur de ce fameux cordon, ce n'est pas une erreur de la nature ! Tout est prévu, laissez-le en paix et il vous montrera quelques uns de ses merveilleux secrets !

Des lectures intéressantes à ce sujet sur d'autres blogs !
http://www.temesira.org/la-circulaire-du-cordon/
https://midwifethinking.com/2010/08/26/the-placenta-essential-resuscitation-equipment


1 commentaire:

  1. Merci pour cet article super intéressant !
    Je me l'étais enregistré il y a de ça 1 ou 2 ans, et je viens de le relire.
    Il apaise, il parle de la force de la femme, de confiance. Merci !

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